On ne se contente pas de chroniquer Les Mis – du moins, pas lorsqu’il s’agit de cette époustouflante reprise de l’épopée qui a pris le monde d’assaut lorsque le roman a été publié en 1862, puis lorsque la comédie musicale a été créée à Londres en 1985. Avec ses chansons emblématiques chantées à pleine voix, la version de tournée de la reprise de Broadway de 2014 devrait plaire aussi bien aux fans inconditionnels qu’aux néophytes de la licorne. Si vous craignez qu’un classique ait été trop modifié, ne vous inquiétez pas. Ce spectacle ressemble à votre Les Misérables. Et en fait, des productions similaires sont passées par D.C. deux fois auparavant lors de la tournée du 25e anniversaire.
Si vous n’avez pas vu Les Misérables au cours des sept dernières années, voici ce que vous devez savoir : l’emblématique plateau tournant a disparu. Elle a été remplacée par des projections efficaces, mais utilisées avec parcimonie, qui donnent vie aux rues de Paris, aux vagues sous le Chain Gang et à la puanteur des égouts en 3D. Il y a d’autres mises à jour, mais aucune n’est si différente qu’elle mérite d’être signalée.
Au cœur de la France du XIXe siècle, avec une nouvelle mise en scène et des décors réimaginés inspirés des tableaux de Victor Hugo, la production Cameron Mackintosh des Misérables de Boublil et Schönberg a une musique de Claude-Michel Schönberg, des paroles d’Herbert Kretzmer d’après le texte français original d’Alain Boublil et Jean-Marc Natel, du matériel supplémentaire de James Fenton et une adaptation originale de Trevor Nunn et John Caird. La production est conçue par Matt Kinley avec des costumes d’Andreane Neofitou et Christine Rowland, une mise en scène musicale de Michael Ashcroft et Geoffrey Garratt et des projections de Fifty-Nine Productions.
La mise en scène de Laurence Connor et James Powell trouve cet équilibre satisfaisant entre le rafraîchissement et le familier que tant de reprises visent et manquent. Le son de Mick Potter a donné vie aux enjeux de la barricade, le public entendant les balles siffler. Les éclairages de Paule Constable soutiennent la production en permettant de repérer facilement les solistes sur une scène remplie d’une vingtaine de comédiens. La juxtaposition de la lumière froide et chaude fonctionne comme un thermostat pour les scènes. C’est un hiver éternel où Javert erre tandis que Cosette et Marius ont tendance à avoir une chaude lueur d’été d’heure magique.
Les Misérables accomplit plusieurs exploits au cours de son récit de 175-minutes : il parvient à faire en sorte que le public s’intéresse à la fois à une macro-histoire (la Révolution française) et à une micro-histoire (le parcours de Jean Valjean) sans aucun dialogue parlé. Bien que j’aie déjà vu cette production (j’ai assisté à une tournée nationale à l’âge de 13 ans, qui est sans doute l’âge idéal pour voir une pièce, et, pour tout vous dire, j’ai joué dans une version régionale non équitable en 2013), je me suis à nouveau rappelé, en tant que spectateur adulte, à quel point ce spectacle est rapide et captivant dès que les lumières s’éteignent. Le public est immédiatement transporté dans la France du XIXe siècle. Les gens sont maltraités. Ceux qui ont le pouvoir ne sont pas bons. Jean Valjean est en colère. Et c’est valable – 19 ans pour une miche de pain, je veux dire – allez. Le Valjean de Nick Cartell passe du voleur aigri au maire digne et au père aimant avec aisance et crédibilité. Sa maîtrise vocale est un régal pour les oreilles, son « Bring Him Home » est divin.
L’un des grands triomphes de cette production est la maîtrise vocale tous azimuts. Cette distribution sait chanter. Certains moments musicaux ont été tout simplement parfaitement exécutés. J’en citerai quelques-uns : Le duo d’Éponine (Phoenix Best) et de Fantine (Melissa Mitchell) dans le Finale, l’harmonie des élèves dans « Drink with Me to Days Gone By », et toute la distribution (sauf Fantine) dans « One Day More ». Mon seul reproche est qu’il y a trop de chant parlé. Le public connaît la partition et veut entendre chaque note soigneusement choisie.
Le spectacle est bien distribué. Le Marius de Joshua Grosso est tout ce que vous voulez d’un jeune amoureux dans une comédie musicale : les yeux écarquillés, plein d’espoir, le cœur brisé, et présent, avec une voix pour des jours. Les Thenardier sont méprisables comme il se doit. Les scènes avec les étudiants sont poignantes. Ils semblent être de vrais jeunes hommes qui ne savent pas vraiment ce qui les attend. La coiffure, le maquillage et les costumes contribuent magnifiquement à l’histoire.
La performance la plus stupéfiante vient de la doublure Andrew Love, qui jouait Javert. J’avoue que j’ai été déçu quand j’ai appris que je verrais une doublure. Et je profite de ce moment pour m’excuser auprès de toutes les doublures, car le Javert d’Andrew Love est exquis. Je ne sais pas si j’ai vécu une expérience théâtrale plus sainte que ses « Étoiles ».
C’est une production de Les Mis qui satisfera les amoureux des Mis. C’est à fond. Si vous ne voulez pas d’une soirée où vous ressentez des sentiments, restez chez vous. Mais si vous pouvez partir pour une nuit assise dans le noir à être ému par une histoire de grâce et de rédemption et à entendre une partition intemporelle exécutée sans faille, réservez vos billets.
Durée : deux heures et 45 minutes, dont un entracte de 15 minutes.
Les Misérables se joue jusqu’au 7 janvier 2018 au National Theatre – 1321 Pennsylvania Avenue NW, à Washington, DC. Pour obtenir des billets, appelez la billetterie au (202) 628-6161, ou achetez-les en ligne.