Synonymes

Acides gras non estérifiés (NEFA), acides gras libres, acides gras insaturés

Physiologie

Métabolisme des AGNE

Métabolisme des AGNE

Les acides gras non estérifiés (« libres » ou insaturés) (AGNE) sont le principal composant des triglycérides (les réserves de graisse dans le corps), qui consistent en trois acides gras liés à un squelette de glycérol. Chez les animaux sains (lorsqu’ils mangent ou qu’ils ne sont pas en état de carence énergétique), les AGNE proviennent principalement de la dégradation des triglycérides ingérés dans l’alimentation par l’intermédiaire des chylomicrons (la lipoprotéine lipase libère les AGNE des restes de chylomicrons). Cependant, dans des conditions de jeûne ou des états de balance énergétique négative, la principale source d’AGNE est l’hydrolyse des réserves de graisse dans le corps.

L’hydrolyse des triglycérides (graisses) stockés dans le tissu adipeux par la lipase hormono-sensible libère des AGNE et du glycérol. La lipase hormono-sensible (qui se trouve dans le cytosol des adipocytes) est stimulée par diverses hormones, notamment le glucagon (qui est libéré par les cellules α des îlots pancréatiques en réponse à un faible taux de glucose) et les corticostéroïdes. Une fois libérés des graisses ou des chylomirons, les AGNE peuvent être utilisés comme source d’énergie par de nombreux tissus, notamment les muscles squelettiques et les hépatocytes. Dans les hépatocytes, leur sort diffère selon les besoins énergétiques, l’équilibre hormonal et la disponibilité des substrats, c’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés pour la production d’énergie (via le cycle de Kreb), reconditionnés en triglycérides et exportés sous forme de lipoprotéines de très basse densité (VLDL) ou stockés à l’intérieur du foie sous forme de triglycérides (qui, en excès, peuvent provoquer une lipidose hépatique) ou convertis en cétones.

Méthodologie

La principale méthode pour mesurer la concentration des AGNE dans le sérum est une méthode enzymatique colorimétrique, qui est la méthode utilisée à l’Université Cornell.

Type de réaction

Réaction à blanc. Le blanking diminue l’effet de l’hémolyse sur les concentrations en NEFA.

Procédure utilisée à l’université Cornell

Dans la première étape de cette réaction en trois temps, l’acyl-CoA synthétase (ACS) catalyse l’acylation des NEFA en (coenzyme A) CoA, ce qui entraîne la formation d’acyl-CoA. Le peroxyde d’hydrogène est ensuite généré par l’oxydation de l’acyl-CoA grâce à l’action catalytique de l’acyl-CoA oxydase (ACOD). Enfin, le peroxyde d’hydrogène en présence de la peroxydase (POD) permet la condensation oxydative de la 4-aminoantipyrine avec la 3-méthyl-N-éthyl-N-(β-hydroxyéthyl)-aniline (MEHA) pour former un produit final bleu-violet avec un maximum d’absorbance à 550 nm. La concentration en NEFA est directement proportionnelle à la densité optique mesurée du produit de coloration.

Les réactions sont présentées ci-dessous :

NEFA+ ATP + CoA acyl-CoA synthéase > Acyl-CoA + AMP + pyrophosphate

Acyl-CoA + O2 + acyl-CoA oxydase > 2,3-trans-Enoyl-CoA + H2O2

2H2O2 + 4-aminoantipyrine + MEHA peroxydase > complexe bleu-violet+ 3H2O

Unités de mesure

La concentration des AGNE est mesurée en mEq/L (unités conventionnelles) ou en mmol/L (unités SI). La conversion des unités est obtenue à partir de la formule suivante:

mEq/L x 1= mmol/L

Considérations sur les échantillons

Type d’échantillon

Sérum ou plasma EDTA. Le sérum/plasma doit être séparé des cellules dès que possible après le prélèvement et le sérum/plasma placé dans un tube séparé. De même, les tubes corvac (séparateur de sérum) ne sont pas recommandés, car les valeurs sont légèrement (mais significativement) plus élevées dans ces tubes par rapport aux tubes non anticoagulants (dessus rouge).

Anticoagulant

EDTA. Les valeurs sont moins stables dans l’héparine, qui donne également des concentrations de base plus élevées que l’EDTA ou le sérum, et les valeurs d’AGNE augmentent avec le stockage (Stokol et Nydam 2005).

Stabilité

Stable dans le sérum bovin ou le plasma EDTA à 4°C pendant 72 heures. Stable à l’état congelé dans du sérum bovin pendant 1 mois (-70°C). Les valeurs augmentent dans les 24-48 heures de stockage à 24°C dans le sérum ou le plasma EDTA. Les concentrations de NEFA augmentent rapidement dans l’héparine après stockage. (Stokol et Nydam 2005).

Recommandations pour le prélèvement d’échantillons chez les vaches laitières en transition

  • Anticoagulant : Top rouge (sérum) ou top violet (EDTA). Éviter les tubes d’héparine (dessus vert) et de corvac (séparateur de sérum).
  • Manipulation : Séparer des cellules dès que possible, garder au frais pour minimiser les faux changements dans les résultats (les NEFA sont particulièrement instables), soumettre dès que possible au laboratoire.
  • Moment du prélèvement : Prélever des échantillons sur les vaches lorsqu’elles entrent dans les stalles d’alimentation (voir ci-dessous).
    • Prépartum NEFAs : Prélever des échantillons sur les vaches 2 à 14 jours avant le vêlage.
    • Postpartum NEFAs : Prélever des échantillons sur les vaches de 3 à 14 jours en lait. La mesure des AGNE post-partum et du BHB est effectuée dans un profil énergétique de vache de transition pour l’évaluation du statut énergétique des vaches en lactation au laboratoire de pathologie clinique de l’université Cornell.
  • Nombre de vaches : Un minimum de 12 animaux par troupeau doit être échantillonné pour le test au niveau du troupeau (description du test dans la section interprétation du test ci-dessous). Il peut s’agir d’un mélange de génisses et de vaches de >2 parité.
  • Échantillons groupés : La mise en commun d’échantillons individuels de vaches pour évaluer le statut énergétique d’un troupeau n’est PAS recommandée. Des études menées à l’Université Cornell ont montré que les résultats des échantillons regroupés sont moins sensibles que les tests individuels des vaches (minimum 12 animaux par troupeau) lors de l’utilisation des NEFA pré-partum ou post-partum pour la détection d’un bilan énergétique négatif excessif chez les vaches laitières en transition.

Interférences

  • Lipémie, ictère : Effet inconnu (rare chez les bovins).
  • Hémolyse : Selon la méthode utilisée par le laboratoire, l’hémolyse diminue ou augmente les valeurs d’AGNE. Dans la méthode à blanc utilisée à l’Université Cornell, une hémolyse sévère (indice hémolytique > 800 unités) diminuera légèrement les concentrations d’AGNE dans le sang bovin. Les interférents lipémiques et ictériques n’affectent pas substantiellement la concentration des NEFAs avec les méthodes utilisées par l’Université Cornell.
  • Excitation/exercice/stress : Ces conditions, qui induisent la libération de catécholamines ou d’ACTH, augmentent les concentrations d’AGNE en stimulant la lipolyse par le biais de la lipase hormonosensible. Ces conditions doivent être réduites au minimum lors du prélèvement d’échantillons sanguins pour la mesure des NEFA.
  • Moment du prélèvement de l’échantillon : Les valeurs d’AGNE sont susceptibles d’être plus élevées chez les vaches qui arrivent pour l’alimentation quotidienne (susceptibles d’être dans un certain degré de balance énergétique négative) par rapport aux vaches qui viennent d’être nourries (la lipolyse sera inhibée chez ces dernières). La collecte juste avant l’alimentation est recommandée.

Interprétation du test

Le dosage de l’AEN est surtout effectué chez les bovins laitiers pour déterminer si le troupeau est en équilibre énergétique négatif excessif. Il est utilisé plus comme un test au niveau du troupeau que de l’animal individuel et les résultats sont interprétés par rapport à une concentration seuil ou un pourcentage d’animaux avec des valeurs supérieures au seuil par rapport à des valeurs supérieures à la limite de référence supérieure. La mesure des NEFA peut être effectuée chez toute autre espèce comme marqueur d’un bilan énergétique négatif excessif. Cette mesure est le plus souvent effectuée chez les camélidés (qui développent une lipidose hépatique dans ces circonstances), chez d’autres ruminants (par exemple, chèvres, moutons) pour déterminer s’ils présentent un risque de cétose, et chez les chevaux (en cas de syndrome métabolique équin). Notez que les concentrations inférieures à la limite de référence ne sont pas cliniquement pertinentes.

Concentrations accrues

  • Physiologique : L’exercice induit la libération de catécholamines et d’ACTH, ce qui stimule l’activité hydrolytique de la lipase hormono-sensible pour favoriser la mobilisation des graisses afin de répondre aux besoins énergétiques excédentaires. Ce processus augmente la concentration des AGNE dans le sang.
  • Différences entre les races : Plusieurs études ont montré que les NEFA sont plus faibles chez les vaches Jersey en post-partum par rapport aux vaches Holstein, par conséquent, les directives développées pour les vaches Holstein (voir ci-dessous) peuvent ne pas être applicables aux Jerseys (Rastani et al 2001, French 2006, Guretsky et al 2006, Brown et al 2012).
  • Bilan énergétique négatif chez les vaches laitières : Les vaches laitières en période périparturiente (transition) sont toujours dans un état de balance énergétique négative en raison des demandes énergétiques élevées du fœtus en développement et de la production de lait (en particulier avec l’accent mis sur la sélection des fortes productrices de lait). Cependant, cet état de balance énergétique négative peut être excessif et les vaches affectées sont à risque de maladies gastro-intestinales (caillette déplacée), métaboliques (cétose clinique) et infectieuses (par exemple, métrite) au début de la période post-partum. C’est pourquoi les praticiens de l’industrie laitière surveillent fréquemment les troupeaux laitiers pour déceler un bilan énergétique négatif excessif en testant les AGNE, soit seuls chez les vaches en pré ou post-partum, soit en tant que composante d’un profil métabolique chez les vaches en post-partum. Les résultats de ces tests peuvent être interprétés au niveau de chaque vache (par exemple, une valeur d’AGNE supérieure à un certain seuil indique un bilan énergétique négatif excessif) ou au niveau du troupeau (par exemple, une proportion de vaches testées présente des valeurs d’AGNE supérieures à un certain seuil). L’identification d’un bilan énergétique négatif excessif chez des vaches individuelles (et plus important encore) dans le troupeau indique la nécessité d’apporter des modifications à l’alimentation (par exemple, augmentation de l’espace d’alimentation en couchette, augmentation de la densité énergétique de la ration) et à la gestion des vaches en transition afin de réduire les demandes énergétiques et le stress des vaches en transition. Les directives d’interprétation suivantes sont basées sur des études réalisées à l’université de Cornell et sont valables pour les échantillons prélevés sur des vaches Holstein nourries avec des RTM « à risque » entre 2 et 14 jours avant le vêlage (CPANE pré-partum) ou 3 à 14 jours après le vêlage (CPANE post-partum). Nous recommandons d’échantillonner au moins 12 vaches  » à risque  » lors de l’évaluation des troupeaux nourris à la ration totale mélangée (RTM) pour détecter une cétose subclinique (Ospina et al 2013).
    • Tests au niveau de la vache
      • Prépartum NEFAs : Il y a une incidence accrue de maladies post-vêlage (caillette déplacée, métrite/placenta retenu et cétose clinique), une diminution du rendement laitier et une diminution des performances de reproduction dans les 30 premiers jours de lait chez les vaches laitières Holstein (nourries à la RTM) avec des valeurs d’AGNE > 0,30 mEq/L lorsqu’elles sont testées 2 à 14 jours avant le vêlage.
      • Agences d’AGNE post-partum : On observe une incidence accrue de maladies post-vêlage (caillette déplacée, métrite/placenta retenu et cétose clinique), une diminution du rendement laitier et une baisse des performances de reproduction au cours des 30 premiers jours de lait chez les vaches laitières Holstein (nourries à la RTM) dont les valeurs d’AGNE > 0,60-0,70 mEq/L lorsqu’elles sont testées 3-14 jours après le vêlage. Dans les études de Cornell, les NEFA post-vêlage étaient en fait un meilleur prédicteur que les concentrations de β-hydroxybutyrate post-vêlage ou les NEFA pré-vêlage.
    • Tests au niveau du troupeau
      • Prépartum NEFA : Au niveau du troupeau, il existe un risque significativement accru de maladies métaboliques et infectieuses post-vêlage, de baisse de la production laitière ou de baisse des performances de reproduction si >15% des vaches pré-vêlage testées présentent des valeurs d’EENF > 0,30 mEq/L. Il convient de noter que, comme indiqué ci-dessus, le regroupement d’échantillons provenant de vaches individuelles n’est pas recommandé pour les tests au niveau du troupeau.
      • EFNA post-partum : Au niveau du troupeau, il y a un risque significativement accru de maladies métaboliques et infectieuses post-vêlage, de baisse de la production laitière ou de baisse des performances de reproduction si >15-20% des vaches post-vêlage testées ont des valeurs d’AGNE > 0,70 mEq/L. Notez que, comme indiqué ci-dessus, le regroupement d’échantillons provenant de vaches individuelles n’est pas recommandé pour les tests au niveau du troupeau.
  • Lipidose hépatique chez les bovins laitiers : Dans une étude, un rapport NEFA:cholestérol >0,2 (unités SI) avait un odds ratio de 9,9 d’un animal ayant une lipidose hépatique (définie comme >10% de contenu lipidique dans le foie), ce seuil étant plus sensible (63% avec 85% de spécificité) que le BHB, le NEFA seul ou l’activité AST (>120 U/L) pour le diagnostic de la lipidose hépatique (basé sur l’aire sous la courbe caractéristique d’exploitation du récepteur ou AUC). Cependant, les animaux de cette étude avaient des mesures sanguines effectuées à différents moments après la lactation (Mostafavi et al 2013).
  • Bilan énergétique négatif chez les petits animaux : Ce phénomène se produit principalement dans le cas du diabète sucré. Dans un état de carence en insuline ou de résistance à l’insuline, l’inhibition de la lipase hormono-sensible est perdue. Un déséquilibre réglementaire de l’activité de la lipase hormono-sensible augmente la mobilisation des graisses du tissu adipeux vers le tissu hépatique, ce qui élève la concentration des AGNE.
  • Bilan énergétique négatif chez les camélidés : Les camélidés malades et stressés, notamment les femelles gestantes, risquent de développer une lipidose hépatique. La mesure des NEFA peut être effectuée pour déterminer s’ils sont en équilibre énergétique négatif. Les camélidés ayant un NEFA > 0,8 mEq/L (Tornquist et al 2001) présentent un risque accru de lipidose. Les camélidés anorexiques ont fréquemment des NEFA qui sont augmentés mais inférieurs à cette valeur et ils peuvent ne pas développer de lipidose.

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