Avril 2020 restera dans les mémoires comme le mois le plus sombre de l’histoire des marchés pétroliers en termes d’équilibres et de prix. Mais pour l’avenir, il y a des signes d’amélioration tant sur le front de l’offre que sur celui de la demande, bien que partant d’une base très basse. De nombreux pays ont commencé à assouplir les fermetures dues au coronavirus, ce qui devrait avoir un impact positif sur la demande de pétrole. Du côté de l’offre, les réductions de l’OPEP+ vont entrer en vigueur, tandis que les réactions de l’offre en dehors des producteurs de l’OPEP+ ont été rapides et sévères. L’impact de ces facteurs se fait déjà sentir sur les prix du pétrole et les marchés physiques.

Dans ce Commentaire sur l’énergie, nous explorons l’éventail des incertitudes entourant la reprise post-crise des équilibres et des prix du marché et évaluons les principaux facteurs qui façonneront les résultats du marché pétrolier en 2020 et 2021. Nous identifions la forme de la reprise de la demande de pétrole comme le facteur clé qui dicte le processus de rééquilibrage. Les équilibres du marché pétrolier sont également sensibles à la conformité de l’OPEP+. Si les producteurs de l’OPEP+ ne respectent pas pleinement leurs quotas, le rééquilibrage du marché sera retardé jusqu’à la fin de 2020. Le dernier facteur déterminant la sensibilité des équilibres pétroliers est l’ampleur des réductions de l’offre hors OPEP+. Contrairement au cycle 2014-2016, qui s’inscrivait dans le sillage d’une période soutenue de prix du Brent supérieurs à 100 $/b, l’ampleur du choc de demande actuel est beaucoup plus importante, et la position financière de tous les acteurs est relativement plus faible ; par conséquent, les contractions de l’offre/arrêts de production seront plus profondes et plus rapides dans ce cycle.

Le choc pétrolier actuel et la transformation de la courbe d’offre qui en résulte, présenteront certaines opportunités aux producteurs à faible coût ayant la capacité d’augmenter leur production, en particulier à l’Arabie saoudite. Si la reprise de la demande s’avère plus forte que prévu, le Royaume pourrait se trouver en position d’augmenter sa production et de conquérir des parts de marché en se substituant aux pertes de production enregistrées ailleurs (production élevée / prix bas). Mais cela pourrait nécessiter que les prix restent dans une fourchette de 40-50 $/b afin de ne pas encourager une croissance rapide de l’offre dans d’autres parties du monde et de soutenir la reprise de la demande. Avec une production plus élevée et, surtout, des exportations plus importantes, cette stratégie peut donner des résultats similaires à une stratégie de production plus faible et de prix plus élevés, par exemple dans la fourchette 60-70 $/b (production faible / prix élevé). Mais la stratégie de production plus élevée/prix plus bas présente des avantages supplémentaires. Premièrement, elle est cohérente avec un ensemble de politiques nationales existantes visant à améliorer l’efficacité de la consommation d’énergie, à réformer la tarification de l’énergie et à augmenter la part du gaz et des énergies renouvelables dans le secteur de l’électricité, ce qui réduira la demande intérieure et libérera du brut pour les exportations. Deuxièmement, en augmentant la production, le Royaume peut s’engager dans une stratégie de monétisation plus rapide à un moment où l’on craint que la transition énergétique n’entraîne une baisse de la demande de pétrole à long terme. Troisièmement, étant donné que la production de pétrole constitue toujours une part importante du PIB, une production plus élevée peut soutenir la croissance globale du PIB saoudien. Quatrièmement, lorsque le prochain cycle arrivera, l’Arabie saoudite pourra négocier des réductions avec les autres producteurs à partir d’une base beaucoup plus élevée. Enfin, si la réponse de l’offre de schiste américain s’avère plus faible que dans les cycles précédents parce que les investisseurs ont besoin d’un prix plus élevé pour être à nouveau attirés par le schiste américain, surtout après le choc des prix négatifs, alors l’Arabie saoudite peut augmenter à la fois ses exportations et ses revenus.

Par : Bassam Fattouh,Andreas Economou

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