Peut-être que le moment le plus choquant de l’épisode d’ouverture de la série était la révélation que l’épouse de Louis, Marie-Thérèse d’Espagne, lui avait porté – ou plutôt quelqu’un d’autre – un enfant à la peau foncée.
Cela fait probablement référence à un épisode de 1664, lorsque Marie-Thérèse a donné naissance prématurément à une princesse éphémère, Marie-Anne. Le bébé avait peut-être une peau sombre et violacée, causée par le manque d’oxygène après un accouchement long et difficile, qui a failli coûter la vie à la reine. Selon la rumeur, le bébé n’est pas mort, mais a été caché dans un couvent. Voltaire ne mentionne pas cette histoire, qu’il aurait certainement connue, mais on en trouve la trace dans l’histoire connexe de la Nonne noire de Moret que Voltaire place tout à la fin de sa série d’anecdotes.
Cette religieuse, Sœur Louise Marie de Sainte-Thérèse, prétendait être la fille du roi : son nom, choisi lors de ses vœux, est un amalgame des noms du couple royal. En effet, lorsque la seconde épouse morganatique du roi, Madame de Maintenon, arrive au couvent pour la détromper, sa réponse cinglante est devenue légendaire :
Madame, le fait qu’une dame de votre rang ait pris la peine de venir ici dans le but exprès de me dire que je ne suis pas la fille du roi me convainc que je le suis.
Bien qu’il n’existe aucune trace de Louis XIV ayant une maîtresse noire, Voltaire admet comme » probable » l’idée que la religieuse soit la fille illégitime de Louis. Dans une note de bas de page, Voltaire souligne qu’il a lui-même visité le couvent en compagnie de son protecteur, Monsieur de Caumartin, qui était à l’époque le comte de Moret, et qui est la source d’information la plus probable de Voltaire concernant la dot que le roi avait mise de côté pour Sœur Louise : la somme de 20 000 écus. Ceci, combiné avec le témoignage oculaire de Voltaire sur l’apparence de la religieuse forme le pivot de son récit :
Elle avait le teint extrêmement foncé et, de plus, lui ressemblait….
Voltaire conclut le récit, et les chapitres d’anecdotes, par une déclaration qui résume sa vision de son rôle d’historien de la modernité. Bien que l’histoire puisse paraître scandaleuse, son lien avec le roi fait que cette affaire personnelle et privée doit avoir sa place dans l’histoire à côté des récits des grands et des bons :
Tous ces détails pourraient rebuter un philosophe. Mais la curiosité, cette faiblesse si commune à tous les hommes, cesse presque d’en être une lorsqu’elle a pour objet les époques et les personnes qui attirent l’attention de la postérité.