Lorsque le chanteur d’Atlanta Jacquees s’est couronné roi du R&B l’année dernière, son auto-coronation a été accueillie presque entièrement par des huées et des rejets. En dépit de sa vague mise en garde (« pour cette génération ») et de ses intentions claires (pour que Jacquees se prépare), les détracteurs, les têtes parlantes et tous les Rois d’hier et d’aujourd’hui se sont réunis en masse pour critiquer le pauvre homme. Seul The-Dream, un auteur-compositeur-interprète qui peut prétendre au trône, a abordé les commentaires avec un peu de bon sens : « C’est comme ça que tu dois parler, mec », a-t-il déclaré à Beats 1. « J’ai fait la même chose avant d’écrire ‘Single Ladies’. … Tout le monde a pris ça comme si j’étais stupide à l’époque. Ils ne savaient pas comme … Non, il essaie de se psychiser pour faire de la grande merde. »
Jacquees fait une clarification similaire sur « King », l’ouverture de son album sophomore, qu’il dédie à tous les rois qui sont venus avant : « Chaque jour, une étoile naît / Et si nous parlons de rois, il y en a plus d’un / Vous devriez applaudir pour eux « , chante-t-il, reprenant l’accroche de » A Star is Born » de JAY-Z pour se recadrer comme le dernier d’une longue lignée de rois du R&B. King of R&B, un exercice de 18 pistes d’une heure sur les techniques du genre, est la demande d’emploi de Jacquees. Il n’écrit pas de chansons aussi géniales que « Single Ladies », mais ses ambitions sont claires comme de l’eau de roche.
Parmi les chanteurs R&B de moins de 30 ans que Jacquees peut raisonnablement appeler ses concurrents, il est le plus complet. Il n’a peut-être pas l’attrait massif de Bryson Tiller, ou la gamme expérimentale de Daniel Caesar ; sa musique n’est pas aussi imprégnée de rap que le R&B alternatif de 6lack, et il est loin d’être l’auteur-compositeur de l’Internet Syd, mais il est aussi fondamentalement sain que n’importe lequel de ses pairs : il comprend les chansons R&B dans leurs composantes de base et il est facilement le chanteur le plus doué du groupe. Dans son affrontement avec l’un de ces contemporains, Tory Lanez, sur le morceau de l’album « Risk It All », Jacquees écrase l’imitateur canadien avec de plus grandes mélodies et des entrées en matière plus audacieuses. Tout au long de l’album, il s’essaie aux tentations de l’ère Trigga, aux confessions de la taille de Usher, et à presque tout ce qui se trouve entre les deux.
Il s’appuie toujours plus sur l’humeur que sur la mise en scène réelle, mais ses chansons ont une portée plus large. Son premier album, 4275, traitait de l’anticipation du sexe – essayer de se connecter avec quelqu’un après être rentré d’une longue tournée, désirer un amant pendant une nuit tardive au studio, les derniers moments juste avant de conclure l’affaire. Il y avait une chanson intitulée « House or Hotel » qui portait principalement sur le fait de se faufiler avec des femmes en couple. La titillation était tout ce qu’il pouvait rassembler.
Le nouvel album remplit ces vignettes, ne se contentant pas de se rouler dans les draps (« Round II ») mais naviguant aussi dans les échanges interpersonnels qui en découlent. Dans l’apologetique « Cross the Line », il se retrouve à renégocier les limites après avoir été pris en train de tricher. « Warning » lui propose une construction entièrement nouvelle, dans laquelle il n’a pas le contrôle : il renverse le trope « one that got away ». Les anciens rois de R&B ont toujours négocié une ligne fine entre le chercheur de plaisir torride et le romantique désespéré, et Jacquees apprend à équilibrer cette équation émotionnelle. Des séductions lisses et body roll de « Come Get It » au duo Summer Walker aux yeux étoilés « Superstar », ce sont des totems soigneusement élaborés par un admirateur de la forme.
Dans un peu d’ironie, Jacquees semble le plus à l’aise sur King of R&B parmi les rappeurs mélodiques. Il aspire Young Thug et Gunna dans son orbite sur « Verify », leurs raps servant d’accents à ses croonings. Le titre « What They Gone Do With Me », aux accents de synthétiseur, absorbe une partie de la bravade de Future. Aux côtés de Lil Baby, sur « Your Peace », il transforme le rebondissement de la soul hip-hop en un terrain d’entente. Sur « New New », il filtre les prises de voix de Thug et Travis Scott en une sérénade, purifiant ainsi une chanson rap en une chanson R&B.
Même en chevauchant le monde du hip-hop, il ne perd jamais la douceur que le R&B exige. À une époque où tant de gens se targuent d’être des mélangeurs de genres, il reste un formaliste. On peut débattre de l’identité du roi du R&B ou de ce que cela signifie, mais avec King of R&B, Jacquees accepte formellement sa place dans une lignée historique.