Hésiode
Le poète grec Hésiode (actif vers 700 avant J.-C.) fut le premier poète didactique d’Europe et le premier auteur de la Grèce continentale dont les œuvres sont conservées. Son influence sur la littérature ultérieure a été fondamentale et d’une grande portée.
Les faits concernant Hésiode sont enveloppés dans le mythe et l’obscurité du temps ; ce que nous pouvons dire avec certitude sur lui provient de ses propres écrits. Son père, un marchand » fuyant une misérable pauvreté « , émigra de Cyme en Asie Mineure et devint fermier près de la ville d’Ascra en Béotie, où Hésiode vécut la majeure partie ou la totalité de sa vie. Hésiode a sans doute passé ses premières années à travailler la terre de son père. Il raconte que les Muses lui sont apparues alors qu’il gardait des moutons sur les pentes du mont Hélicon et lui ont ordonné de composer des poèmes, et il est probable qu’il ait combiné les vocations de fermier et de poète.
Après la mort de son père, Hésiode a été impliqué dans une dispute amère avec son frère, Persès, au sujet du partage de la propriété. Une légende ultérieure raconte qu’Hésiode déménagea d’Ascra et qu’il fut assassiné à Oenoe à Locris pour avoir séduit une jeune fille ; leur enfant serait le poète lyrique Stesichorus. Le poète raconte que la seule fois où il a traversé la mer, c’était pour participer à un concours de poésie lors des jeux funéraires d’Amphidamas à Chalcis (en Eubée).
Les dates de la vie d’Hésiode sont très contestées ; certains chroniqueurs anciens en font un contemporain d’Homère ; la plupart des critiques modernes datent son activité peu de temps après les épopées homériques mais vraisemblablement avant 700 av.J.-C. Les titres d’un certain nombre de poèmes nous sont parvenus sous le nom d’Hésiode ; deux œuvres complètes subsistent, que l’on croit généralement authentiques.
Les œuvres majeures
La Théogonie (Theogonia, ou Généalogie des dieux) est une longue (plus de 1 000 lignes) description narrative de l’origine de l’univers et des dieux. Commençant par les aborigènes Chaos (Vide) et Gaia (Terre), Hésiode décrit la création du monde naturel et les générations des dieux. Son récit se concentre sur les luttes entre les générations de puissances divines pour la domination du monde. À Uranus (Ciel), la force originelle, succède son fils, Kronos, qui, à l’instigation de sa mère, Gaia, castre Uranus. Kronos, à son tour, est déposé après une bataille féroce menée entre les dieux de l’Olympe (les fils et les filles de Kronos et de Rhéa), menés par Zeus, et les Titans (les enfants d’Uranus et de Gaia), menés par Kronos. Au cours du récit sont détaillées les naissances des dieux, majeurs et mineurs, l’évolution du monde naturel, et l’émergence d’abstractions personnifiées comme la Mort, le labeur et la lutte.
Bien que beaucoup des mythes qu’Hésiode incorpore soient extrêmement primitifs et probablement d’origine orientale, la Théogonie est une tentative réussie de donner une explication rationnelle et cohérente de la formation et du gouvernement de l’univers depuis ses origines primitives jusqu’à la maîtrise ultime du cosmos par Zeus, « le père des hommes et des dieux. » La description vivante de la bataille entre les dieux et les Titans et l’histoire de Prométhée, le Titan, qui défia Zeus en volant le feu pour l’homme et fut condamné à être enchaîné pour toujours à un rocher avec un pieu au milieu en guise de punition, sont particulièrement intéressantes dans la Théogonie.
Les Travaux et les Jours (Erga Kai Hemerai), un autre long poème (plus de 800 lignes), a un ton beaucoup plus personnel. Il est adressé au frère d’Hésiode, Persès, qui s’était emparé de la plus grande partie de leur héritage en versant des pots-de-vin aux « rois » locaux, puis l’avait dilapidé. Autour de ce thème de l’admonition à son frère, Hésiode a composé un poème didactique composé de conseils pratiques aux agriculteurs et aux marins, de maximes (là encore, essentiellement pratiques) sur la façon de se comporter dans les affaires quotidiennes avec ses semblables, de préceptes moraux et éthiques, et d’avertissements aux « rois » locaux pour qu’ils observent la droiture dans leur façon de rendre la justice. Une longue section à la fin est une liste de tabous primitifs suivie d’un catalogue des jours de chance et de malchance. L’authenticité de ces lignes est mise en doute, mais elles sont caractéristiques de la vision paysanne peu sophistiquée.
Les deux thèmes majeurs qu’Hésiode fait résonner encore et encore sont la nécessité pour tous les hommes d’être justes et équitables, puisque la justice vient de Zeus, qui punira le malfaiteur, et la formule selon laquelle le succès dépend d’un travail acharné incessant. Si vous désirez la richesse, dit-il, alors « travaillez avec du travail sur du travail ». Le monde qu’Hésiode décrit dans les Travaux et les Jours n’est pas l’arène héroïque de la guerre de Troie mais la vie difficile du petit paysan. La vision d’Hésiode est essentiellement pessimiste ; Ascra, sa maison, est « mauvaise en hiver, rude en été, bonne à aucun moment » ; et, dans un passage célèbre, il détaille les cinq « âges de l’homme ». Depuis l’âge d’or du règne de Kronos, en passant par les âges d’argent, de bronze et de laiton des héros, l’humanité a dégénéré ; Hésiode se trouve à l’âge de fer, où il n’y a que des problèmes et des peines, du travail et des luttes. On trouve également dans les Travaux et les Jours l’histoire de Pandore, la première femme. Le mythe affirme qu’elle fut créée sur l’ordre de Zeus pour punir les hommes.
Autres œuvres
Un certain nombre d’autres poèmes, attribués à Hésiode dans l’Antiquité et aujourd’hui généralement attribués à l’école « béotienne », ou « hésiodique », sont connus par leur titre ou par des vestiges fragmentaires. La plus importante de ces « œuvres mineures », peut-être d’Hésiode lui-même, est le Catalogue des femmes, qui semble avoir décrit les amours des dieux et de leur progéniture. Un certain nombre d’extraits fragmentaires ont survécu. Un fragment plus long, appelé le Bouclier d’Héraklès, très probablement pas d’Hésiode, raconte la bataille entre Héraklès et le brigand Kyknos. Une grande partie de ce fragment substantiel (480 lignes) est consacrée à une description du bouclier d’Héraklès – une imitation inférieure de la célèbre description dans l’Iliade du bouclier d’Achille.
Comme Homère, Hésiode écrit dans le dialecte ionien et emploie l’hexamètre dactylique, le mètre des poètes épiques ; mais l’élégance élancée des poèmes homériques est remplacée par un style plus simple et plus terreux. Certaines parties des poèmes d’Hésiode ne sont que des « catalogues » de noms et d’événements, mais souvent ses mots sonnent avec une éloquence et une conviction qui révèlent un véritable génie littéraire. Hésiode a été le premier poète européen à s’exprimer dans une veine personnelle et à mettre l’accent sur l’éthique sociale et morale. La Théogonie a été immédiatement acceptée comme le récit authentique de la cosmogonie grecque, et elle reste aujourd’hui l’un des documents de base importants pour l’étude de la mythologie grecque. L’intention avouée d’Hésiode était d’instruire et d’informer, et non d’amuser ; il se trouve ainsi à la tête d’une longue lignée de poètes enseignants dans le monde occidental.
Lectures complémentaires
On trouve d’excellentes analyses critiques des écrits d’Hésiode dans Werner Wilhelm Jaeger, Paideia : The Ideals of Greek Culture, vol. 1 (trans. 1939 ; 2d ed. 1945), et Friedrich Solmsen, Hesiod and Aeschylus (1949). Pour le contexte historique général et l’interprétation culturelle des poèmes, Andrew Robert Burn, The World of Hesiod (1936 ; 2d ed. 1967) est utile. Voir également Alfred Eckhard Zimmern, The Greek Commonwealth : Politics and Economics in Fifth-century Athens (1911 ; 5e éd. rév. 1931), et Chester G. Starr, The Origins of Greek Civilization (1961). □