Le ministre épiscopal méthodiste africain, puis l’évêque Henry McNeal Turner, est apparu immédiatement après la guerre civile comme l’un des plus ardents défenseurs des droits des Afro-Américains. Il a également fait partie du premier groupe d’élus afro-américains de la Reconstruction. En juillet 1868, Turner fait partie des deux sénateurs d’État et des vingt-cinq représentants républicains noirs élus à l’assemblée législative de Géorgie. Moins de deux mois plus tard, les démocrates de Géorgie, la majorité de l’assemblée législative, ont audacieusement expulsé tous les membres noirs. Le 3 septembre 1868, Turner s’est présenté devant les représentants réunis et a dénoncé les législateurs qui avaient refusé de faire siéger les sénateurs et les représentants afro-américains. Ce discours apparaît ci-dessous.

Monsieur le Président : Avant de procéder à l’argumentation de cette question sur ses mérites intrinsèques, je souhaite que les membres de cette Chambre comprennent la position que j’adopte. Je tiens que je suis un membre de ce corps. Par conséquent, monsieur, je ne me prosternerai pas devant un parti quelconque, ni ne m’abaisserai à le supplier pour mes droits. Certains de mes collègues de couleur, au cours de leurs remarques, ont pris l’occasion de faire appel à la sympathie des membres du côté opposé, et de faire l’éloge de leur magnanimité. Cela me rappelle beaucoup, monsieur, les esclaves mendiant sous le fouet. Je suis ici pour revendiquer mes droits et pour lancer des foudres aux hommes qui oseraient franchir le seuil de ma virilité. Il y a un vieil aphorisme qui dit : « combattre le diable avec le feu », et si je dois observer la règle dans ce cas, je souhaite que les messieurs comprennent que ce n’est que les combattre avec leur propre arme.

La scène présentée dans cette Chambre, aujourd’hui, est une scène sans précédent dans l’histoire du monde. Depuis ce jour, jusqu’au jour où Dieu a insufflé le souffle de vie à Adam, aucune analogie ne peut être trouvée. Jamais, dans l’histoire du monde, un homme n’a été traduit devant un organe investi de fonctions législatives, judiciaires ou exécutives, accusé d’être de couleur plus foncée que ses semblables. Je sais que les tribunaux de ce pays et d’autres pays ont été saisis de questions portant sur des sujets assez semblables à celui qui est discuté ici aujourd’hui. Mais, monsieur, jamais dans l’histoire des grandes nations de ce monde, un homme n’a été mis en accusation, accusé d’un délit commis par le Dieu du Ciel lui-même. On peut trouver des cas où des hommes ont été privés de leurs droits pour des crimes et des délits ; mais il est resté à l’État de Géorgie, au cœur même du XIXe siècle, d’appeler un homme devant le barreau et de l’accuser d’un acte dont il n’est pas plus responsable que de la tête qu’il porte sur ses épaules. La race anglo-saxonne, monsieur, est une race des plus surprenantes. Aucun homme n’a jamais été plus trompé dans cette course que je ne l’ai été au cours des trois dernières semaines. Je ne savais pas qu’il y avait dans le caractère de cette race autant de lâcheté ou de pusillanimité. La traîtrise dont ont fait preuve à son égard des messieurs appartenant à cette race a ébranlé ma confiance en elle plus que tout ce qui a été soumis à mon observation depuis le jour de ma naissance.

Quelle est la question en cause ? Pourquoi, monsieur, cette Assemblée, aujourd’hui, discute et délibère sur un jugement ; il n’y a pas un Chérubin assis autour du trône éternel de Dieu aujourd’hui qui ne tremblerait pas même si un ordre était donné par le Dieu Suprême Lui-même de descendre ici et de siéger en jugement sur ma virilité. Ces messieurs peuvent considérer cette question sous le jour qu’ils veulent, et avec autant d’indifférence qu’ils jugent bon de le faire, mais je vous dis, monsieur, que c’est une question qui ne mourra pas aujourd’hui. La postérité se souviendra de cet événement pendant des âges à venir, et pendant que le soleil continuera à gravir les collines du ciel.

De quelle législature s’agit-il ? Est-ce une législature d’hommes blancs, ou une législature d’hommes noirs ? Qui a voté pour une convention constitutionnelle, en obéissant au mandat du Congrès des États-Unis ? Qui a été le premier à se rallier à l’étendard de la Reconstruction ? Qui a fait rouler le ballon de la loyauté dans l’État de Géorgie ? Et dont la voix a été entendue sur les collines et dans les vallées de cet État ? C’était la voix du nègre armé et courageux, avec les quelques hommes blancs au cœur humanitaire qui sont venus à notre secours. Je revendique l’honneur, monsieur, d’avoir été l’instrument qui a convaincu des centaines yea, des milliers d’hommes blancs, que de reconstruire sous les mesures du Congrès des États-Unis était la voie la plus sûre et la meilleure pour l’intérêt de l’État.

Regardons quelques faits en rapport avec cette question. La moitié des hommes blancs de Géorgie ont-ils voté pour cette législature ? La grande majorité d’entre eux n’ont-ils pas combattu, de toutes leurs forces, la Constitution sous laquelle nous agissons ? Et ne se sont-ils pas battus contre l’organisation de cette législature ? Et de plus, monsieur, n’ont-ils pas voté contre ? Oui, monsieur ! Et il y a des personnes dans cette législature aujourd’hui qui sont prêtes à me cracher leur poison au visage, alors qu’elles se sont elles-mêmes opposées, de tout leur pouvoir, à la ratification de cette Constitution. Ils remettent en question mon droit de siéger dans ce corps, pour représenter le peuple dont les votes légaux m’ont élu. Cette objection, monsieur, est un monopole de pouvoir inouï. On ne peut lui trouver aucune analogie, sauf dans le cas d’un homme qui entrerait dans ma maison, prendrait possession de ma femme et de mes enfants, et me dirait ensuite de partir. Je me trouve dans la position d’un criminel devant votre barreau, parce que j’ose être l’exposant des vues de ceux qui m’ont envoyé ici. Ou, en d’autres termes, on nous dit que si les hommes noirs veulent parler, ils doivent le faire par le biais de trompettes blanches ; si les hommes noirs veulent que leurs sentiments soient exprimés, ils doivent être frelatés et envoyés par des messagers blancs, qui ergoteront, équivoqueront et se déroberont aussi rapidement que le pen¬dulum d’une horloge. Si cela n’est pas fait, alors les hommes noirs ont commis un outrage, et leurs représentants doivent se voir refuser le droit de représenter leurs électeurs.

La grande question, monsieur, est la suivante : Suis-je un homme ? Si je le suis, je revendique les droits d’un homme. Ne suis-je pas un homme parce qu’il se trouve que je suis d’une teinte plus foncée que les honorables gentlemen qui m’entourent ? Laissez-moi voir si je le suis ou non. Je veux convaincre la Chambre aujourd’hui que j’ai droit à mon siège ici. Un certain monsieur a soutenu que le Noir n’était qu’une simple évolution semblable à celle de l’orang-outang ou du chimpanzé, mais il se trouve que, lorsqu’on examine un Noir sur le plan physiologique, phrénologique et anatomique, et je dirais même physionomique, on constate qu’il est identique aux personnes de couleur différente. Je voudrais demander à n’importe quel monsieur de cette assemblée, où est l’analogie ? Me trouvez-vous quadrupède, ou me trouvez-vous homme ? Trouvez-vous trois os de moins dans mon dos que dans celui de l’homme blanc ? Trouves-tu moins d’organes dans le cerveau ? Si vous ne savez rien de tout cela, moi je le sais ; car j’ai aidé à disséquer cinquante hommes, noirs et blancs, et j’affirme qu’au moment où vous enlevez le pigment muqueux de la couleur de la peau, vous ne pouvez pas, pour sauver votre vie, distinguer l’homme noir du blanc. Suis-je un homme ? Ai-je une âme à sauver, comme vous ? Suis-je susceptible de me développer éternellement, comme vous l’êtes ? Puis-je apprendre tous les arts et toutes les sciences comme vous le pouvez ? Cela a-t-il jamais été démontré dans l’histoire du monde ? Les hommes noirs ont-ils jamais fait preuve de bravoure comme les hommes blancs ? Ont-ils déjà exercé des professions libérales ? N’ont-ils pas d’aussi bons organes d’expression que vous ? Certaines personnes prétendent qu’il y a une très grande ressemblance entre le larynx du nègre et celui de l’orang-outang. Mais, monsieur, il n’y a pas tant de ressemblance entre eux qu’entre le larynx de l’homme et celui du chien, et je défie tout membre de cette Chambre de contester ce fait. Dieu a jugé bon de varier tout dans la nature. Il n’y a pas deux hommes semblables, pas deux voix semblables, pas deux arbres semblables. Dieu a tissé et tissé la variété et la polyvalence à travers l’espace illimité de sa création. Parce que Dieu a jugé bon de faire des rouges, des blancs, des noirs et des bruns, devons-nous juger ce que Dieu a jugé bon de faire ? On pourrait aussi bien jouer avec les foudres du ciel qu’avec cette créature qui porte l’image de Dieu la photographie de Dieu.

La question est posée : « Qu’est-ce que la race noire a fait ? ». Eh bien, Monsieur le Président, tout ce que j’ai à dire sur le sujet est ceci : Si nous sommes la classe de personnes que l’on représente généralement, je tiens que nous sommes un très grand peuple. On considère généralement que nous sommes les enfants de Canaan, et que la malédiction d’un père repose sur nos têtes, et ce, tout au long de l’histoire. Monsieur, je nie que la malédiction de Noé ait eu quoi que ce soit à voir avec le nègre. Nous ne sommes pas les enfants de Canaan ; et si nous l’étions, monsieur, où nous situerions-nous ? Regardons un peu dans l’histoire. Melchizédek était un Cananéen ; tous les Phéniciens, tous ces inventeurs des arts et des sciences étaient la postérité de Canaan ; mais, monsieur, le Nègre ne l’est pas. Nous sommes les enfants de Cush, et la malédiction de Canaan n’a rien à voir avec le nègre. Si nous appartenons à cette race, c’est à elle qu’appartenait Ham, sous les instructions duquel Napoléon Bonaparte a étudié la tactique militaire. Si nous appartenons à cette race, Saint Augustin en faisait partie. Qui a jeté les bases de la grande Réforme ? Martin Luther, qui a allumé la lumière de la vérité évangélique qui ne s’éteindra jamais jusqu’à ce que le soleil se lève pour ne plus se coucher ; et, bien avant cela, les principes démocratiques auront trouvé leur niveau dans les régions de Pluton et de Prosperpine…

L’honorable gentleman de Whitfield (M. Shumate), en discutant de cette question, il y a un jour ou deux, a avancé la proposition que d’être un représentant n’était pas d’être un officier « c’était un privilège dont les citoyens avaient le droit de jouir. » Ce sont ses mots. Ce n’était pas une fonction ; c’était un « privilège ». Chaque gentleman ici présent sait qu’il a nié qu’être un représentant était un officier. Maintenant, il est reconnu comme un chef du parti démocrate dans cette Chambre, et il prépare généralement des victuailles pour les nourrir ; il fait cette déclaration remarquable, et comment êtes-vous, messieurs de l’autre côté de la Chambre, parce que je suis un officier, quand l’une de vos grandes lumières dit que je ne suis pas un officier ? Si vous niez mon droit, le droit de mes électeurs d’être représentés ici, parce que c’est un  » privilège « , alors, monsieur, je vous montrerai que j’ai autant de privilèges que l’homme le plus blanc de cet étage. Si je ne suis pas autorisé à occuper un siège ici, dans le but de représenter mes électeurs, je veux savoir comment les hommes blancs peuvent être autorisés à le faire. Comment un homme blanc peut-il représenter un électeur de couleur, si un homme de couleur ne peut le faire ? Le grand argument est : « Oh, nous avons hérité » de ceci, de cela et de l’autre. Maintenant, je veux que ces messieurs reviennent au bon sens. Le créé est-il plus grand que le Créateur ? L’homme est-il plus grand que Dieu ? Il est très étrange qu’un homme blanc puisse occuper à cet étage un siège créé par des votes de couleur, et qu’un homme noir ne puisse pas le faire. Messieurs, c’est le raisonnement le plus myope du monde. Un homme peut voir mieux que cela avec un demi-œil ; et même s’il n’avait pas d’œil du tout, il pourrait en forger un, comme le Cyclope, ou en poinçonner un avec son doigt, ce qui lui permettrait de voir à travers cela.

On dit que le Congrès ne nous a jamais donné le droit d’occuper une fonction. Je veux savoir, monsieur, si les mesures de Reconstruction n’ont pas fondé leur action sur le fait qu’aucune distinction ne devait être faite en raison de la race, de la couleur ou de la condition antérieure ? N’était-ce pas là le grand point d’appui sur lequel elles reposaient ? Et chaque État reconstruit ne devait-il pas se reconstruire sur l’idée qu’aucune discrimination, dans tous les sens du terme, ne devait être faite ? Il n’y a pas un seul homme ici qui osera dire Non. Si le Congrès m’a simplement donné des droits civils et politiques suffisants pour faire de moi un simple esclave politique pour les Démocrates, ou n’importe qui d’autre leur donnant l’opportunité de sauter sur mon dos afin de sauter dans le pouvoir politique, je ne remercie pas le Congrès pour cela. Jamais, que Dieu me vienne en aide, je ne serai un esclave politique. Je ne parle pas maintenant pour les hommes de couleur qui siègent avec moi dans cette Chambre, et je ne dis pas qu’ils partagent mes sentiments, mais en aidant M. Lincoln à me sortir de l’esclavage servile, ils n’avaient pas l’intention de me mettre, moi et ma race, en esclavage politique. S’ils l’ont fait, qu’ils me retirent mon bulletin de vote, je n’en veux pas et je ne l’aurai pas. Je ne veux pas être un simple outil de ce genre. J’ai déjà été un esclave assez longtemps.

Je vous dis ce que je serais prêt à faire : Je suis prêt à ce que la question soit soumise au Congrès pour qu’il explique ce que signifiait l’adoption de leurs mesures de reconstruction, et de l’amendement constitutionnel. Que le parti démocrate de cette Assemblée adopte une résolution donnant cette direction à ce sujet, et je serai satisfait. Je vous mets au défi, messieurs, de le faire. Abordez ouvertement la question de savoir si cela signifie que le Noir peut occuper un poste ou s’il doit simplement avoir le droit de vote. Si vous êtes des hommes honnêtes, vous le ferez. Si, toutefois, vous ne le faites pas, je vous ferai une autre proposition : Réunissez, à nouveau, la convention qui a rédigé la constitution sous laquelle nous agissons ; laissez-les voter sur le sujet, et je suis prêt à me conformer à leur décision…

Ces hommes de couleur, qui sont incapables de s’exprimer avec toute la clarté, la dignité et la force de l’éloquence rhétorique, sont tournés en dérision par la Démocratie du pays. Cela me rappelle beaucoup l’homme qui se regardait dans un miroir et, s’imaginant qu’il s’adressait à une autre personne, s’exclamait : Mon Dieu, que tu es laid ! » Ces messieurs ne considèrent pas un instant les affreuses privations que ces gens ont endurées, et surtout ceux qui, d’une manière ou d’une autre, se sont efforcés d’acquérir une éducation. Pour ma part, monsieur, j’ai été élevé dans les champs de coton de la Caroline du Sud, et afin de me préparer à être utile, aussi bien à moi-même qu’à ma race, j’ai décidé de consacrer mes heures de loisir à l’étude. Lorsque le contremaître se retirait le soir dans son confortable canapé, je m’asseyais, je lisais, je réfléchissais et j’étudiais, jusqu’à ce que je l’entende souffler dans sa corne le matin. Il me disait souvent, avec serment, que s’il me découvrait en train d’apprendre, il me fouetterait à mort, et je ne doute pas qu’il l’aurait fait s’il en avait eu l’occasion. J’ai prié le Dieu tout-puissant de m’aider, et il l’a fait, et je le remercie de tout mon cœur et de toute mon âme…

En ce qui me concerne personnellement, aucun homme en Géorgie n’a été plus conservateur que moi. « Tout pour plaire aux Blancs » a été ma devise ; et j’ai tellement adhéré à ce cours que beaucoup parmi mon propre parti m’ont classé comme un démocrate. Un des leaders du parti républicain en Géorgie ne m’a pas du tout été favorable depuis quelque temps, parce qu’il croyait que j’étais trop « conservateur » pour un républicain. Je peux vous assurer, cependant, Monsieur le Président, que j’en ai assez, et à l’excès, de ce « conservatisme »…

Mais, Monsieur le Président, je ne considère pas ce mouvement comme une poussée contre moi. C’est une poussée contre la Bible, une poussée contre le Dieu de l’univers, pour avoir fait un homme et ne pas l’avoir achevé ; c’est simplement traiter le Grand Jéhovah de fou. Monsieur, bien que nous ne soyons pas blancs, nous avons beaucoup accompli. Nous avons été les pionniers de la civilisation ici ; nous avons construit votre pays ; nous avons travaillé dans vos champs et récolté vos moissons pendant deux cent cinquante ans ! Et qu’est-ce que nous vous demandons en retour ? Demandons-nous une compensation pour la sueur que nos pères ont versé pour vous, pour les larmes que vous avez causées, les cœurs que vous avez brisés, les vies que vous avez réduites et le sang que vous avez versé ? Demandons-nous des représailles ? Nous ne le demandons pas. Nous sommes prêts à laisser le passé enterrer ses morts ; mais nous vous demandons, maintenant, nos droits. Vous avez tous les éléments de supériorité de votre côté ; vous avez notre argent et le vôtre ; vous avez notre éducation et la vôtre ; et vous avez notre terre et la vôtre aussi. Nous, qui sommes des centaines de milliers en Géorgie, y compris nos femmes et nos familles, sans un pied de terre à nous, étrangers dans le pays où nous sommes nés ; sans argent, sans éducation, sans aide, sans toit pour nous couvrir pendant notre vie, ni argile suffisante pour nous couvrir quand nous mourrons ! Il est extraordinaire qu’une race comme la vôtre, qui professe la galanterie, la chevalerie, l’éducation et la supériorité, qui vit dans un pays où les carillons appellent l’enfant et le père à l’église de Dieu, un pays où l’on lit la Bible, où l’on dit les vérités de l’Évangile et où l’on présume qu’il existe des cours de justice, il est extraordinaire qu’avec tous ces avantages de votre côté, vous puissiez faire la guerre au pauvre Noir sans défense. Vous savez que nous n’avons pas d’argent, pas de chemin de fer, pas de télégraphe, aucun avantage d’aucune sorte, et pourtant toutes sortes d’injustices nous sont infligées. Vous savez que les noirs de ce pays vous reconnaissent comme leurs supérieurs, en vertu de votre éducation et de vos avantages…

Vous pouvez nous expulser, messieurs, mais je crois fermement que vous vous en repentirez un jour. L’homme noir ne peut pas protéger un pays, si le pays ne le protège pas ; et si, demain, une guerre devait survenir, je ne lèverais pas un mousquet pour défendre un pays où ma virilité est niée. La mode en Géorgie, lorsqu’un travail difficile doit être fait, est que l’homme blanc s’assoit à son aise pendant que l’homme noir fait le travail ; mais, monsieur, je vais dire ceci aux hommes de couleur de Géorgie, car, si je devais être tué dans cette campagne, je n’aurais peut-être pas l’occasion de le leur dire à un autre moment : Ne levez jamais un doigt ni une main pour défendre la Géorgie, jusqu’à ce que la Géorgie reconnaisse que vous êtes des hommes et vous investisse des droits inhérents à la virilité. Payez cependant vos impôts, obéissez à tous les ordres de vos employeurs, prenez les bons conseils de vos amis, travaillez fidèlement, gagnez honnêtement votre vie, et montrez, par votre conduite, que vous pouvez être de bons citoyens.

Poursuivez vos oppressions. Babylone est tombée. Où est la Grèce ? Où est Ninive ? Et où est Rome, la maîtresse empire du monde ? Comment se fait-il qu’elle se dresse, aujourd’hui, en fragments brisés à travers l’Europe ? Parce que l’oppression l’a tuée. Chaque acte que nous commettons est comme une balle qui rebondit. Si vous maudissez un homme, cette malédiction rebondit sur vous ; et si vous bénissez un homme, la bénédiction vous revient ; et si vous opprimez un homme, l’oppression rebondit également. Où avez-vous jamais entendu parler de quatre millions de libres gouvernés par des lois, et qui n’ont pourtant aucune part dans leur élaboration ? Cherchez dans les annales du monde, et vous ne trouverez aucun exemple. « Les gouvernements tirent leurs justes pouvoirs du consentement des gouvernés. » Comment osez-vous faire des lois pour me juger, moi, ma femme et mes enfants, et me refuser une voix dans l’élaboration de ces lois ? Je sais que vous pouvez établir une monarchie, une autocratie, une oligarchie, ou toute autre sorte d’ocratie qui vous plaît ; et que vous pouvez déclarer que qui vous voulez est souverain ; mais dites-moi, monsieur, comment vous pouvez me revêtir de plus de pouvoir qu’un autre, où tous sont souverains de la même façon ? Comment pouvez-vous dire que vous avez une forme républicaine de gouvernement, quand vous faites une telle distinction et édictez de telles lois proscriptives ?

Les gentlemen parlent beaucoup des Nègres « ne construisant aucun monument ». Je peux dire une chose à ces messieurs : c’est que nous aurions pu construire des monuments de feu pendant que la guerre était en cours. Nous aurions pu tirer sur vos bois, vos granges et vos clôtures, et vous rappeler chez vous. L’avons-nous fait ? Non, monsieur ! Et que Dieu fasse en sorte que le Noir ne le fasse jamais, ni ne fasse rien d’autre qui puisse détruire la bonne opinion de ses amis. Aucune épithète n’est suffisamment opprobreuse pour nous maintenant. J’ai vu, monsieur, que nous avons construit un monument de docilité, d’obéissance, de respect et de contrôle de soi, qui durera plus longtemps que les pyramides d’Égypte.

Nous sommes un peuple persécuté. Luther a été persécuté ; Galilée a été persécuté ; des hommes de bien dans toutes les nations ont été persécutés ; mais les persécuteurs sont passés à la postérité avec honte et ignominie. Si vous adoptez ce projet de loi, vous n’obtiendrez jamais du Congrès qu’il gracie ou émancipe un autre rebelle de votre vie. Vous allez imposer à M. Toombs et aux autres dirigeants de la Géorgie une privation éternelle du droit de vote. Vous pouvez penser que vous vous faites honneur en nous expulsant de cette Chambre ; mais quand nous partirons, nous ferons comme Wickliffe et comme Latimer. Nous allumerons une torche de vérité qui ne s’éteindra jamais ; l’impression qui traversera le pays, lorsque les gens se représenteront dans leur esprit ces pauvres hommes noirs, dans toutes les régions de ce pays du Sud, plaidant pour leurs droits. Lorsque vous nous expulsez, vous faites de nous à jamais vos ennemis politiques, et vous ne trouverez plus jamais un Noir pour voter pour le parti démocrate ; car, que Dieu me vienne en aide, je parcourrai toute la longueur et la largeur du pays, là où se trouve un homme de ma race, et je lui conseillerai de se méfier du parti démocrate. La justice est la grande doctrine enseignée dans la Bible. La justice éternelle de Dieu est fondée sur la Vérité, et l’homme qui s’écarte de la justice s’écarte de ‘Ruth, et ne peut faire prévaloir ses principes.

J’ai maintenant, Monsieur le Président, dit tout ce que ma condition physique me permet de dire. Faible et malade, bien que je sois, je ne pourrais pas rester assis passivement ici et voir les droits sacrés de ma race détruits d’un seul coup. Nous sommes dans une position quelque peu similaire à celle de la célèbre « Brigade légère », dont Tennyson dit qu’ils avaient

un canon à leur droite, un canon à leur gauche, un canon devant eux, Volleyaient et tonnaient.

J’espère que notre pauvre race opprimée pourra agir bien et sagement pendant cette période d’épreuve, et qu’elle fera preuve de patience et de discrétion en toutes circonstances.

Vous pouvez nous expulser, messieurs, par vos votes, aujourd’hui ; mais, pendant que vous le faites, rappelez-vous qu’il y a un Dieu juste dans le Ciel, dont l’œil qui voit tout regarde de la même façon les actes de l’oppresseur et de l’opprimé, et qui, malgré les machinations des méchants, ne manque jamais de défendre la cause de la Justice, et la sainteté de son propre ouvrage.

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